- Déclarations
L’islamophobie n’est pas un problème musulman – c’est un problème canadien
Par une froide soirée du 29 janvier 2017, des dizaines de personnes se sont rendues au Centre culturel islamique de Québec pour assister aux prières du soir. Elles ne se doutaient pas qu’en cette nuit fatidique, elles feraient tragiquement partie de l’une des pires attaques terroristes en sol canadien. Ils ne savaient pas non plus qu’ils deviendraient les victimes de la convergence explosive d’années de discours haineux, de stéréotypes néfastes et de la désignation généralisée de boucs émissaires. Cet anniversaire survient alors que le souvenir du meurtre de quatre membres de la famille Afzaal de London, en Ontario, est encore frais dans l’esprit des Canadiens. Ces deux événements nous rappellent que nous sommes à un moment critique dans la façon dont nous nous percevons en tant que pays. Cinq ans après l’attaque de la mosquée de Québec et six mois après l’attaque contre la famille Afzaal, nous devons admettre que l’islamophobie n’est pas seulement un problème musulman – c’est un problème entièrement canadien.
Les musulmans font partie des nombreux groupes au Canada qui ont dû supporter le poids des discours haineux et des lois discriminatoires pendant de nombreuses années. Les attentats du 11 septembre ont déclenché une vague soutenue de rhétorique islamophobe et de crimes haineux visant les musulmans et les personnes supposées l’être dans toute l’Amérique du Nord. Les mouvements populistes extrémistes qui ont vu le jour au cours de la dernière décennie ont ouvert la voie à un mélange toxique d’ultranationalisme, de suprématie blanche et d’islamophobie.
Ce sont souvent les femmes qui ont le plus souffert des attaques contre les musulmans. Les attaques infligent souvent un traumatisme transversal d’un point de vue racial, culturel, de genre et religieux. Ces événements combinés aboutissent souvent à des conséquences dangereuses dans la vie réelle des musulmans qui tentent simplement de vivre en paix. À Edmonton, entre janvier et mars de l’année dernière, trois crimes haineux sur sept signalés par la police concernaient des femmes musulmanes noires.
L’année dernière, la FCRR a lancé une campagne dans laquelle nous avons présenté une jeune musulmane, Noor Fadel, qui a été vicieusement attaquée dans un train à Vancouver parce qu’elle portait un hijab. Noor a courageusement partagé son expérience éprouvante sur les médias sociaux pour sensibiliser au problème de l’islamophobie, mais elle a été confrontée à des attaques encore plus haineuses sur sa race et sa religion.
Pour combattre l’islamophobie, nous devons reconnaître le rôle que jouent les médias, tant sociaux que traditionnels, ainsi que la législation et le discours politique discriminatoires, qui attisent les flammes de la haine. Au cours des 25 dernières années, de nombreux groupes de défense des musulmans ont dénoncé les médias canadiens pour leur manque de couverture positive des Canadiens musulmans. La rhétorique politique a également joué un rôle dans l’exacerbation de l’islamophobie flagrante. Plusieurs politiciens ont été confrontés pour avoir colporté des discours islamophobes et des propos alarmistes aux dépens de la communauté musulmane au cours des campagnes provinciales et fédérales de la dernière décennie.
Plus récemment, le projet de loi 21 du Québec a mis à nu l’impact de la façon dont les lois peuvent activement nuire à des segments spécifiques de la population canadienne. Une loi qui a entraîné le renvoi d’une enseignante qualifiée de sa classe simplement parce qu’elle portait un hijab pendant qu’elle enseignait à des élèves de troisième année. Cet événement choquant a non seulement traumatisé l’enseignante en question et les musulmans de tout le pays, mais il a également traumatisé ses élèves et provoqué la colère de nombreux Canadiens non musulmans.
Si les événements auxquels nous avons assisté ces derniers temps sont très inquiétants, ils peuvent aussi être source d’opportunités positives. Des opportunités telles que l’intensification des efforts en matière de réformes législatives et une plus grande attention à la diversité culturelle, raciale et religieuse dans les arts et les médias sont désespérément nécessaires. Des événements tels que le sommet national sur l’islamophobie sont des exemples cruciaux d’une meilleure façon de combattre ce type de haine.
Au cours du Sommet national sur l’islamophobie et tout au long de l’année, la FCRR a écouté attentivement les recommandations de la communauté en faveur d’une plus grande représentation des musulmans. En réponse à ces appels de la communauté, la FCRR s’associera à Téléfilm Canada et à l’Office national du film pour un événement qui aura lieu le 3 février et qui explorera comment les récits nuisibles peuvent alimenter l’islamophobie et ce que nous pouvons faire pour les combattre. La FCRR poursuivra également son travail de lutte pour une meilleure législation sur les discours haineux en ligne, qui, nous le savons, ont été des précurseurs clairs de la violence fatale qui a été exercée sur les victimes de l’attaque de la mosquée de Québec et sur la famille Afzaal.
Nous arrivons dangereusement à un point de rupture au Canada, mais il y a de la lumière au bout du tunnel. Tous les Canadiens ont la responsabilité de traiter l’islamophobie comme une crise urgente, comme vous le feriez pour tout autre type d’urgence. S’attaquer immédiatement à l’islamophobie épargnera à des millions de personnes le traumatisme psychologique de la haine et sauvera de nombreuses vies. Elle donnera l’occasion de vivre dans la paix et la sécurité – une occasion qui n’a pas été offerte à Ibrahima et Mamadou Tanou Barry, Khaled Belkacemi, Aboubaker Thabti, Abdelkrim Hassane et Azzedine Soufiane qui sont entrés dans cette mosquée de Québec en cette froide soirée de janvier, il y a cinq ans.
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